09-01-2008

Stéphane Thidet

Stéphane Thidet est un artiste qui crée des univers convoquant la fiction, des mises en scène rejouant des moments filmiques trouvés dans la réalité. Parfois commissaire d’exposition, pour le projet en 3 volets Guet-Apens, c’est alors une communauté en acte qu’il organise, plutôt fédérateur que « guide ». Combinant des techniques de fabrication, des dispositifs scéniques et cinématographiques, sa pratique est difficile à classer sous la forme d’un seul vocable. L’expérience à l’épreuve « Tout joueur hasarde avec certitude pour gagner avec incertitude… » Avant toute reconnaissance ou intelligence du regard, les dispositifs de Stéphane Thidet sont des « pièges à l’œil » qui fonctionnent à partir du jeu et du rite, du manque et du doute. La question de l’échelle, l’inquiétante familiarité, le renversement des données temporelles constituent les éléments d’un scénario dans lequel Stéphane Thidet nous invite à rentrer et à expérimenter. Par exemple, les éléments qui constituent Rêve d’une tour forment une décomposition au sol et créent un impressionnant assemblage potentiel composé de trois modules principaux et d’une « tête » circulaire illuminée par une couronne de plusieurs rangs d’ampoules électriques qui s’allument et s’éteignent par intermittence. Rêve d’une tour, s’il était réuni, formerait une tour de dix mètres de hauteur. Telle une phrase segmentée en sujet, verbe, complément, Rêve d’une tour se répartit selon une déclinaison qui à la fois sépare le tout en parties et permet de comprendre une structure. Il en va comme de l’apprentissage d’une langue : on commence par décomposer pour ensuite rassembler, ici le puzzle demeure à l’état de possible. L’enjeu n’est pas dans l’inachevé ou l’infini, mais dans la possibilité ou l’impossibilité d’activer le dispositif dans le réel. En cela, l’échelle 1 détient les qualités requises : dimensions, matériau, d‘une fabrication « grandeur nature ». Ce n’est pas un jouet, ce n’est pas non plus un modèle réduit, ni une maquette, c’est une vraie tour de foire, re-fabriquée par un artiste, d’après ses souvenirs de fêtes foraines et ses repérages. La position des structures, bien que stables et soigneusement choisies, laissent deviner le déplacement possible, tel un jeu de mécano géant. Pourtant cette tour de foire ne peut rester qu’à l’état de rêve car aucun des éléments d’assemblage de permettra jamais une élévation possible. La frustration est à son comble et le jeu reste un jeu. On se trouve dans un lieu où tout est possible, dans un éternel présent qui étire le temps. L’utopique république des enfants que décrit Collodi, l’auteur de Pinocchio, le Pays des jouets présente le temps du jeu comme un divertissement qui tourne au cauchemar. « Dans les rues, une joie, un vacarme, un tintamarre à rendre fou. » Lumignon, guide du jeune héros dans ce conte, rappelle combien tous les jours sont des jours de fêtes. Or, l’éternelle répétition tourne vite à l’enfer, et à l’enfermement. Lorsque le temps du jeu rejoint celui du rite, on se trouve pris dans une spirale angoissante. Morceaux choisis à partir d’un texte paru dans Semaines, décembre 2006. Semaine 51.06 galerie Aline Vidal