30-01-2019

Federico Rossin

Chine (1956)
Coréennes livre de Chris Marker

D'après Chris Marker, un film ne se manifeste pas forcément en tant que projection dans une salle. Le cinéma peut également exister sur papier, comme le démontre son livre Coréennes, le premier et unique ouvrage d'une collection à l'appellation très éloquente, lancée aux presses du Seuil à la fin des années 1950 : "Court métrage". La mise en page du livre se base sur des séquences, des fondus et des reprises de motifs, selon une structure clairement cinématographique, dont les origines se trouvent dans le travail d'éditeur de Marker auprès du Seuil. Le dynamisme photographique et graphique de ses éditions s'affirme rapidement chez lui : il naît sous forme de revue (Esprit dans les années 1950), s'affine par des guides (la célèbre collection "Petite Planète", 1954-1965), se perfectionne dans Coréennes (1959) et se transforme ultérieurement dans ses deux ouvrages de Commentaires (1961 et 1967).
Nous allons tracer les lignes de cette histoire encore peu connue, en mettant en parallèle des séquences de films, des mises en page graphiques ou photographiques. Marker s'y montre théoricien d'un film mental basé sur le montage de leitmotive figuratifs, travaillant à partir du temps cinématographique et sur la capacité d'élaboration mentale du lecteur-spectateur. Les livres photographiques, les films imaginaires, les films sur papiers et les films sur pellicule sont à égalité dans l'interrogation markerienne du montage comme forme d'intelligence du monde et de la culture des hommes.

Federico Rossin est historien du cinéma, conférencier, formateur et passeur d'images. Il mène ses recherches dans le domaine du cinéma expérimental, documentaire et d'animation. Depuis 2007 il travaille comme programmateur indépendant pour de nombreux festivals et cinémathèques. Il intervient aussi dans des réseaux d'éducation populaire et dans des cadres universitaires.