Du 16-09-2025 au 31-10-2025
Appel à candidature - troisième cycle - ACTH - 2025
L'ENSBA de Lyon lance un appel à candidature pour 3 artistes chercheur·euses au sein de l’unité de recherche Art Contemporain et Temps de l'Histoire (ACTH) dans le cadre de son troisième cycle.
L’unité ACTH développe depuis 2004 un projet de recherche basé à la fois sur le concret de la pratique artistique et sur une élaboration critique des processus de pensée hérités d’autres domaines tels que l’histoire, la philosophie, l’anthropologie…
Se projetant dans un temps de travail propre à la production artistique — collectif et individuel, étendu et variable — ACTH cherche à accompagner chaque artiste chercheur·euses dans un projet de soutenance fondé sur les principes de sa démarche. L’unité a été à l’origine de la mise en œuvre d’un titre de troisième cycle, le DSRA (Diplôme Supérieur de Recherche en Art). Elle continue à défendre ce diplôme d’établissement issu de l’enseignement supérieur et de la recherche adossé au ministère de la culture et spécifiquement fondé sur des problématiques liées à la création.
Les travaux déjà soutenus dans le cadre du DSRA par des artistes chercheurs et chercheuses du groupe ont ainsi donné lieu à un roman, un cycle d’exposition, à des films etc.
Le groupe ACTH s’est en large partie construit sur le désir d’ouvrir et de maintenir un cadre d’expérience propice à la pluralité des formes par lesquelles peuvent se manifester des recherches d’artistes. Notre objectif est de permettre l'émergence d'une forme alternative aux pratiques habituelles qui, trop souvent, exigent des artistes qu'ils développent des projets dans des délais serrés, imposant une présupposée séparation de champs, autant dans le milieu professionnel que dans le milieu académique, entre « théorie » et « pratique ». Au sein d’ACTH nous proposons au contraire de considérer que la recherche en art se fabrique par l’entremêlement de gestes singuliers, de lectures, de fréquentation des œuvres et de dialogues partagés. Nous défendons le fait qu’une telle recherche a besoin de temps pour trouver sa forme propre et qu’elle ne pourra qu’être plus conséquente au contact d’un environnement favorable, collectif. C’est pourquoi l’engagement dans l’unité de troisième cycle permet le partage de nos recherches propres, mais aussi des propositions qui nourrissent les axes de travail communs.
Origine de la recherche
Depuis vingt ans, ACTH explore une approche singulière de la production artistique contemporaine. Le groupe développe une ample recherche sur les mutations de la relation entre forme et éthique dans le passage de la modernité du XXᵉ siècle à ce qui est décrit aujourd’hui comme post-modernité globalisée. Il propose une lecture des formes à partir des syncopes de l’Histoire plutôt que depuis sa continuité linéaire. Périodiquement sidérée, cette Histoire — qui subitement s’arrête et se suspend lors des différents bouleversements traumatiques — produit des mutations perceptives dans le langage commun. Ces phénomènes, informant en creux les œuvres, se répercutent autant dans la pratique des artistes que dans la réception de leurs productions.
L'œuvre d’art n’existe pas seulement dans son langage explicite, mais aussi dans ce qu’elle tait et suspend, là où le langage se brise : le trauma, l’absence, le non-dit ou le balbutiement.
Courbet peint sa série de tableaux La Vague, apparemment sans sujet politique, peu avant qu'il ne se fasse photographier sur les ruines de la colonne Vendôme abattue en 1871. Les œuvres d'art ne se comprennent pas seulement par ce qu’elles montrent, mais aussi par leurs dimensions négatives, refoulées et omises — ici l'imminence du déferlement de la Commune. En choisissant de représenter ces vagues, Courbet renonce à illustrer les événements politiques présents selon le registre de la peinture d’Histoire. Il modifie ainsi le sujet de la peinture et la perspective politique. Elle est à la fois un objet à voir et un objet à imaginer, elle révèle un manque dans le langage qui pousse à produire un discours singulier, un espace d’interrogation revitalisant. Ces moments de stase, loin d’être des moments de perte ou de délabrement du langage, sont des lieux féconds et vitaux, là où il se réagence.
C’est dans ce cadre que le groupe s’est d’abord intéressé aux mécanismes du trauma, élaborés par Sigmund Freud et Sándor Ferenczi, particulièrement depuis le retour des combattants de la Première Guerre mondiale. Plus récemment, les recherches du groupe ont mis en lumière les liens que la production artistique contemporaine entretient avec un certain héritage culturel des expériences traumatiques dans la culture occidentale. Elles se sont concentrées sur le rôle que jouent des expressions à première vue insignifiantes, comme celles qui poussent au rire ou à d’autres formes de retournement de rituels sociaux, celles pratiquées par les exclus ou qui s’expriment dans le contexte du Carnaval, entre autres. Ces formes expressives, en apparence inefficaces et souvent idiotes, semblent persister depuis au moins un siècle dans les pratiques artistiques, les actions DADA pouvant être considérées comme les premières à suspendre délibérément le sens.
Les recherches collectives récentes développées par des nouveaux formats d’expérimentation comme celui des banquets (2022-2023) ou d’expositions (2024) ont montré l’importance de la présence du corps dans ces conditions d’empêchement du langage. Celui-ci exprime par d’autres moyens une vitalité essentielle, qui peut ainsi se manifester bruyamment par un éclat de rire, par un haussement d’épaule, voire par une expression de mépris. Quand l’individu ne semble plus en mesure de dire l’expérience qu’il fait ou de décrire le monde qui l’entoure, c’est le corps qui fait littéralement langage. Cet état, qui semble exclure toute élaboration du sens, se révèle comme préalable indispensable pour penser l’évolution du langage dans la condition contemporaine.
Axes de recherche 2025 – 2028, corps et implicite, vers un langage au-delà des codes
Le groupe de recherche prépare en ce moment une exposition pour Résonances de la Biennale de Lyon 2026 dans le Lieu d’Art Aponia à Le Monastier-sur-Gazeille. Ce projet se propose de tirer les fils du format expérimental des Banquets développé ces dernières années pour mieux saisir la nature et l’importance de ces formes de langage propre au corps et à première vue non-signifiantes. Des formes qui ne se fondent pas uniquement sur celles déjà codifiées et structurées par la langue commune, mais qui justement trouvent leur raison d’être dans le moment où la langue fait défaut.
Le groupe développe en parallèle un projet de recherche avec le IUAV de Venise, le centre d’art Stacion de Pristina (Kossovo) et les Piran Costal Galleries en Slovénie. Il se propose de confronter cette approche d’un langage par omission, si important dans la production artistique, au déferlement récent de ce qu’on appelle les intelligences artificielles. Ces machines travaillent avec des formes de langue déjà codifiées et massivement accumulées à travers l'interconnexion de machines et grâce à la croissante numérisation des données.
Le projet vise à développer une connaissance spécifique de l’autre versant du langage qui, étant singulier et situé dans un contexte spécifique, échappe à ces outils fondés sur la récurrence et la reconnaissance de formes similaires. Il s’agit de définir des méthodes de travail et de terrain dans des contextes divers comme le Kossovo et la Slovénie, le biotope vénitien ou lyonnais, pour mieux saisir ces enjeux fondamentaux liés aux capacités de renouvellement de la langue, dans des moments historiques où le langage commun s’avère impropre à véhiculer des expériences pressantes. C’est dans ces moments de suspension de la langue commune que l’artiste semble agencer les éléments qui la constituent à partir d'une relation renouvelée à ce qui est singulier et non verbal, entièrement tendu vers la création d'une forme qu'il entreprend de réaliser sans la voir.
Conditions
Le chercheur·euse sera inscrit·e en troisième cycle à l'Ensba Lyon pour la durée d'un an avec une bourse de recherche annuelle de 2.400 €.
Après une première année, l'inscription pourra être prolongée de deux années supplémentaires après avis du directeur de recherche de l’unité ACTH.
L’activité de recherche se concentre sur des séminaires/workshops intensifs (2/3 jours) à raison de 3 échéances par année scolaire, ainsi que deux journées de séminaire mensuel, en alternance à Paris et Lyon. A ces temps réguliers, s’ajoutent des engagements plus ponctuels dans les projets d'expositions, d’éditions, de voyages développés par le groupe.
Cet appel s'adresse à tous·tes les artistes diplômé·es désireux·se de contribuer avec leur travail d'auteur·rice et leur recherche individuelle à l'entreprise collective de l’unité de recherche.
Les candidat·es sont invité·es à déposer leur dossier sur la plateforme Taïga avant le 31 octobre 2025, minuit.
Composition du dossier
1. Une lettre de motivation
La lettre de motivation adressée à l’unité de recherche ACTH expose la motivation à l’égard du programme de recherche. Elle souligne ce qui dans le travail du candidat, ses expériences et ses recherches personnelles, le prédispose à collaborer à ce programme. Elle aborde ses projets personnels et les implications artistiques et/ou théoriques qui justifient sa candidature.
2. Portfolio (50 Mo max)
Evolution et travaux récents en version pdf. Faites une sélection de ce qui est représentatif du travail et préférez des extraits si les vidéos ou pièces sonores sont longues.
3. Présentation analytique de 1500 signes maximum dactylographiés de l’évolution de la démarche, ainsi qu'une sélection des textes, interviews et d'autres documents et/ou publications du travail de recherche personnelle plastique et/ou théorique.
4. CV artistique et/ou professionnel
Ssur lequel figure l’adresse personnelle, les contacts mail et téléphonique du candidat, ainsi que le parcours d’études et une éventuelle adresse d’un site web de l’activité du candidat.
5. Copies du ou des diplômes obtenus les plus récents.
Si le candidat est en train de passer son diplôme (DNSEP ou équivalent Master 2) au moment de sa candidature, il doit transmettre une attestation de scolarité qui mentionne sa formation en cours et son niveau. S’il est retenu pour faire partie de l’unité de recherche, son inscription ne sera définitivement confirmée que s’il a obtenu son diplôme. Il devra alors transmettre la copie de son diplôme.
6. Copie d’une pièce d’identité recto-verso
Jury
Le choix du jury se fera sur dossier individuel portant sur l'activité artistique des candidats ainsi que sur leur approche des questions théoriques liées à cette activité.
Le jury sera composé du directeur de l'ENSBA de Lyon, de la directrice adjointe en charge des études et de la recherche, de l’artiste directeur de recherche, de trois artistes chercheurs ou chercheuses de l’unité ACTH.
Calendrier
Inscriptions :
Du 1er au 31 octobre 2025 (minuit) sur Taïga
Résultats de pré-sélection :
Le 14 novembre 2025
Entretiens :
Le 24 novembre 2025