20-02-2008

Elena Kovylina

Née en 1971 à Moscou. Vit et travaille à Berlin et Moscou. En résidence à Paris. Formée dans l’atelier de Rebecca Horn à Berlin, l’artiste russe Elena Kovylina questionne les comportements sociaux et le statut même de la performance lors d’actions publiques dans lesquelles elle s’implique jusqu’à se mettre en danger physiquement, laissant au spectateur la responsabilité d’une fin qui peut être fatale. Vêtue en uniforme sur lequel sont épinglées des médailles de l’armée russe relative à la guerre d’Afghanistan, elle propose aux spectateurs qui l’entourent de danser une valse sur l’air de Lili Marleen. À chaque danse elle boit un verre de vodka et retire une médaille. Ses cheveux se défont, elle perd de plus en plus l’équilibre dans le mouvement. Toutefois les spectateurs continuent de la prendre tour à tour dans leurs bras pour la faire tourner. Comme le personnage double de la chanson allemande, elle montre les deux faces d’une ex-URSS conquérante à l’extérieure et parfois misérable à l’intérieur, cherchant l’oubli dans la boisson. C’est aussi la mise en scène d’un rapport familier avec une histoire récente, partagée par l’Allemagne et la Russie. À travers les actions dont elle est le sujet –objet, elle effectue une critique de la société contemporaine et pointe les écarts entre la culture et ses modes d’expression contemporains : « L’histoire culturelle se trouve surtout dans les musées, devenant juste une autre surface dont le rôle principal dans la vie quotidienne est d’attirer les touristes. Dans notre réalité quotidienne, les valeurs communes sont la consommation, la relaxation et une attitude de divertissement par rapport à la vie… » Au musée de Bolzano (Italie, 2007) elle confronte cette affirmation avec l’objet archéologique principal du lieu?: une momie surnommé « Otzi l’homme des neiges » (Otzi Snowman) devenue une attraction touristique pour la ville. Habillée de vêtements de la marque Prada, après avoir pris des anesthésiques, elle reste endormie 24 heures sur un lit de camp couvert de fourrure, dans une pièce glacée. « Mon idée est que l’homme contemporain pourrait être décrit comme étant endormi de façon permanente dans le sarcophage brillant de la culture. » D’autres fois, elle organise des combats de boxe lors desquels elle propose au public une réelle bagarre où les coups sont portés. Au delà de la référence à Arthur Cravan et de la mise en scène, elle place le public dans une situation de choix. De spectateur passif, il devient témoin d’une véritable lutte et c’est la femme battue qui apparaît. Dans Pick up a woman, Elena Kovylina apparaît coiffée et maquillée, vêtue de bas et d’une jupe noire, portant des talons aiguilles. Sur ses seins nus sont épinglés à même la peau des images de pin-ups. Elle arrive un bouquet de lys à la main, fumant une cigarette. Jetant les fleurs au sol qu’elle piétine, elle attend. Peu à peu les spectateurs suivent l’énoncé à la lettre et « choisissent une femme ». Pour prendre l’image, ils doivent enlever l’aiguille et faire couler le sang de la jeune femme, parfois brutalement. De spectateur, il devient participant actif, ses actes ayant des conséquences réelles. Franchissant la barrière parfois ténue des codes de représentations, Elena Kovylina se met en jeu au delà des artifices et provoque un malaise qui fait écho à celui de la civilisation, dont la barbarie s’habille parfois en Prada. www.kovylina.com elena-kovylina.livejournal.com